Directeur : Xavier Dolan
Réalisé en 2016. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=eSIXbNuCFNY
Synopsis : Après avoir quitté sa mère, son frère
et sa soeur pendant 12 ans, Louis (Gaspard Ulliel) revient, le temps d’un diner,
avec une grave nouvelle.
Après le succès retentissant de Mommy, il est logique d’assumer que Xavier Dolan devait avoir l’embarras
du choix pour son prochain projet. Il a donc décidé de rassembler le Avengers
des grosses pointures françaises dans ce qui est, à toutes fins pratiques, un huis
clos, leurs permettant d’offrir certaines des meilleures performances de l’année.
En restant toujours fidèle à lui-même, avec des thèmes de famille aux relations
complexes, tout en évoluant d’un film à l’autre, Dolan nous offre son film le plus
abouti.
Contraint à un seul lieu pour une histoire qui ne dure
que quelques heures, le défi est de taille. Beaucoup repose sur les épaules des
acteurs, qui peuvent démontrer ainsi l’étendue de leurs talents. La dynamique
familiale s’esquisse rapidement, mais ne cesse de s’approfondir à mesure que le
récit se dévoile. Les scènes sont parsemées d’indices qui nous donnent des
indications sur chacun, leurs rapports, leur passé, leur vie, les envies, etc.
Xavier Dolan n’est pas un cinéaste reconnu pour sa subtilité (ce qui est loin d’être
une critique, il a une voix forte et distincte dont il fait bon usage), mais
cela ne l’empêche pas de faire preuve de nuances. Son rapport aux acteurs
démontre ici un individu muni d’une grande maîtrise de son art.
Son choix musical est toujours aussi dynamique qu’il
est surprenant. Étant un aspect de ces films dont on parle moins, il a l’oreille
pour trouver les chansons qui s’ajustent parfaitement aux scènes, sans être les
choix évidents. Sa capacité à couvrir un si large éventail de styles musicaux rajoute
une touche unique et très humaine à son cinéma dramatique.
La direction photo d’André Turpin mise ici beaucoup
sur les gros plans et, considérant le calibre des acteurs qu’il photographie,
il n’y a rien de surprenant. Tous sont en pleine forme et se démarquent à leurs
façons. Léa Seydoux utilise son attitude, qui parait toujours au-dessus de la
situation, pour dissimuler une jeune adulte terrifiée qui connait si peu, mais qui
est quand même sous-estimée par ses proches. Marion Cotillard, qui fait partie
de la famille par alliance, est prise entre les échanges de feux, avec une
timidité vulnérable qui rappelle Suzanne Clément dans Mommy, mais qui n’est jamais dépassée par la situation. Nathalie
Baye en matriarche qui tient, de peine et de misère, toute cette famille
ensemble, amène une dose de légèreté et d’humour bien essentielle à ces
retrouvailles. D’ailleurs, les malaises chargés d’émotions ont une petite
touche d’humour qui vient équilibrer la tension et nous rappelle que Xavier
Dolan peut aussi être très drôle lorsqu’il le veut.
Choisir un favori est difficile considérant l’ampleur
du talent, mais Vincent Cassel construit l’individu le plus fascinant du
long-métrage. Il trouve tant de profondeur dans un personnage que l’on croit
pouvoir si rapidement saisir. On sait que Cassel peut jouer brutal, sec et
fort, mais il amène ici toute une dignité et une vulnérabilité presque
invisible, mais toujours présente à ce personnage qui est probablement le plus torturé
du lot.
Une réécoute s’impose avant que le verdict final
tombe, mais Juste la fin du monde est
possiblement mon favori de la filmographie du réalisateur. La complexité des
personnages me fait encore réfléchir, plus 24 heures après mon premier
visionnement, et le tout risque de continuer à mijoter pour encore un petit
bout. Xavier Dolan s’améliore sans cesse d’un film à l’autre
et il est évident qu’il choisit ses projets et collaborateurs en suivant ses
intérêts personnels – maintenant qu’il est aux États-Unis, il s’est permis de
choisir nul autre que Dumbledore comme narrateur pour son prochain film. Avec
de plus en plus de liberté artistique, il est excitant de continuer à voir planer
ce cinéaste dont la réputation n’est plus à faire.
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