samedi 24 septembre 2016

Juste la fin du monde

Directeur : Xavier Dolan
Réalisé en 2016. Bande-annonce : https://www.youtube.com/watch?v=eSIXbNuCFNY
Synopsis : Après avoir quitté sa mère, son frère et sa soeur pendant 12 ans, Louis (Gaspard Ulliel) revient, le temps d’un diner, avec une grave nouvelle.

Après le succès retentissant de Mommy, il est logique d’assumer que Xavier Dolan devait avoir l’embarras du choix pour son prochain projet. Il a donc décidé de rassembler le Avengers des grosses pointures françaises dans ce qui est, à toutes fins pratiques, un huis clos, leurs permettant d’offrir certaines des meilleures performances de l’année. En restant toujours fidèle à lui-même, avec des thèmes de famille aux relations complexes, tout en évoluant d’un film à l’autre, Dolan nous offre son film le plus abouti.

Contraint à un seul lieu pour une histoire qui ne dure que quelques heures, le défi est de taille. Beaucoup repose sur les épaules des acteurs, qui peuvent démontrer ainsi l’étendue de leurs talents. La dynamique familiale s’esquisse rapidement, mais ne cesse de s’approfondir à mesure que le récit se dévoile. Les scènes sont parsemées d’indices qui nous donnent des indications sur chacun, leurs rapports, leur passé, leur vie, les envies, etc. Xavier Dolan n’est pas un cinéaste reconnu pour sa subtilité (ce qui est loin d’être une critique, il a une voix forte et distincte dont il fait bon usage), mais cela ne l’empêche pas de faire preuve de nuances. Son rapport aux acteurs démontre ici un individu muni d’une grande maîtrise de son art.

Son choix musical est toujours aussi dynamique qu’il est surprenant. Étant un aspect de ces films dont on parle moins, il a l’oreille pour trouver les chansons qui s’ajustent parfaitement aux scènes, sans être les choix évidents. Sa capacité à couvrir un si large éventail de styles musicaux rajoute une touche unique et très humaine à son cinéma dramatique.

La direction photo d’André Turpin mise ici beaucoup sur les gros plans et, considérant le calibre des acteurs qu’il photographie, il n’y a rien de surprenant. Tous sont en pleine forme et se démarquent à leurs façons. Léa Seydoux utilise son attitude, qui parait toujours au-dessus de la situation, pour dissimuler une jeune adulte terrifiée qui connait si peu, mais qui est quand même sous-estimée par ses proches. Marion Cotillard, qui fait partie de la famille par alliance, est prise entre les échanges de feux, avec une timidité vulnérable qui rappelle Suzanne Clément dans Mommy, mais qui n’est jamais dépassée par la situation. Nathalie Baye en matriarche qui tient, de peine et de misère, toute cette famille ensemble, amène une dose de légèreté et d’humour bien essentielle à ces retrouvailles. D’ailleurs, les malaises chargés d’émotions ont une petite touche d’humour qui vient équilibrer la tension et nous rappelle que Xavier Dolan peut aussi être très drôle lorsqu’il le veut.

Choisir un favori est difficile considérant l’ampleur du talent, mais Vincent Cassel construit l’individu le plus fascinant du long-métrage. Il trouve tant de profondeur dans un personnage que l’on croit pouvoir si rapidement saisir. On sait que Cassel peut jouer brutal, sec et fort, mais il amène ici toute une dignité et une vulnérabilité presque invisible, mais toujours présente à ce personnage qui est probablement le plus torturé du lot.

Une réécoute s’impose avant que le verdict final tombe, mais Juste la fin du monde est possiblement mon favori de la filmographie du réalisateur. La complexité des personnages me fait encore réfléchir, plus 24 heures après mon premier visionnement, et le tout risque de continuer à mijoter pour encore un petit bout. Xavier Dolan s’améliore sans cesse d’un film à l’autre et il est évident qu’il choisit ses projets et collaborateurs en suivant ses intérêts personnels – maintenant qu’il est aux États-Unis, il s’est permis de choisir nul autre que Dumbledore comme narrateur pour son prochain film. Avec de plus en plus de liberté artistique, il est excitant de continuer à voir planer ce cinéaste dont la réputation n’est plus à faire.

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