Toujours un exercice amusant et révélateur, faire sa
liste des films favoris de l’année permet de remarquer des tendances et
préférences. Fidèle à mes goûts plus ou moins éclectiques, ma liste de 2017
contient du cinéma gracieux et subtil, mais aussi du cinéma agressif et « dans
ta face », du cinéma américain à grand déploiement mature et réflectif,
ainsi que de l’action bourrin et plaisante - mais si maitrisé. Pour finir, on
peut voir dans ce bilan un déchirement entre le cinéma éprouvant, désagréable
et malsain et celui plus doux, réconfortant, chaleureux et charmant, mais
considérant les 4 en tête de file, il est évident de savoir quel cinéma
l’emporte cette année.
25 – La petite fille qui
aimait trop les allumettes
On
débute avec le film le plus austère de la liste. Noir & Blanc, misère
humaine, Histoire québécoise peu glorieuse et une création/créature
complètement tordue se rencontrent pour créer une des expériences les plus
désagréables, mais hypnotique de notre cinéma national.
24
– Personal Shopper
Entre
les mauvaises mains, Kristen Stewart donne l’impression d’être détachée et
inexpressive. Par contre, entre les bonnes mains (celles d’Olivier Assayas dans
ce cas-ci), elle devient l’une des actrices les plus naturelles et terre à
terre à apparaitre sur les grands écrans en 2017. Son talent combiné à la réalisation d’Assayas
amène toute la puissance à cette étrange combinaison entre le technothriller
spirituel et le drame surnaturel qu’est Personal
Shopper.
23
– Baby Driver
Tandis
que certains cinéastes réalisent, Edgar Wright Réalise, avec un grand R. Son
contrôle sur ce qui est à l’écran et la minutie de ses scénarios et mises-en scènes
est plus que jamais mis de l’avant dans ce film d’action musical électrique qui
contient plus d’énergie que la majorité des films sur cette liste combinés.
22
– The Shape of Water
Considérant
son affection peu dissimulée pour tout ce qui est monstre, créature et divers êtres
« étranges » au cinéma, il n’était qu’une question de temps avant que
Guillermo Del Toro échafaude une histoire d’amour en bonne et due forme avec un
monstre en plein centre. Sa filmographie entière est une histoire d’amour avec
les monstres. Il sait amener toute la délicatesse et l’attention que mérite ce
récit où l’humanité du monstre est confrontée à la monstruosité humaine.
21
– War for the Planet of the Apes
En
termes de trilogie à grand déploiement, il est difficile de trouver plus
constant, mature et attentif à ses personnages que le « reboot » de Planet of the Apes. À travers trois
films, et la performance mémorable d’un Andy Serkis qui continue d’exceller à
son art, nous avons eu droit à la création d’un personnage légendaire, avec la
conclusion qu’il méritait. Ce troisième acte a refusé catégoriquement de nous
offrir ce à quoi Hollywood nous a habitués côté surenchère des gros films pour s’attarder au coût humain/primate
de ces conflits.
20
– I Am Not Your Negro
Beaucoup
trop de films sur les inégalités et injustices raciales s’arrêtent au passé,
créant une distance et un faux sentiment de confort, qui permet d’ignorer le
problème. I Am Not Your Negro marque
et se distingue puisqu’il actualise des textes datant de plus de 50 ans pour
véritablement souligner le peu de progrès concret qui a été fait à ce niveau.
Avec la voix tonitruante de Samuel L. Jackson comme porte-voix des textes de
James Baldwin et un montage judicieux du matériel d’archives, le documentaire
de Raoul Peck nous confronte autant à l’Histoire qu’à l’actualité avec un
résultat dévastateur.
19
– Logan
Le
thème des grosses franchises américaines cette année était « l’héritage ».
Le passé confronté à ce qui est légué se retrouve partout – surtout dans cette
liste. Dans une culture obsédée par cette idée de ressusciter le passé tant
chéri (Planet of the Apes, Star Wars,
Blade Runner), il est au moins rassurant de constater que les plus gros
films – ceux que, qu’on aime ou non, le public va voir et dont les gens parlent
- s’attaquent à cette idée de front. Logan,
plus que tous les autres, sert de réflexion sur la responsabilité des icônes et
ce qu’ils lèguent, au coeur d'un film, malgré lui, sur un monde trop près de
notre actualité, avec des images chargées comme peu de films de superhéros
osent.
18
– Sieranevada
Chaque année il y a ce film international qui sort de
nulle part et me jette par terre. Ce titre revient ici à Sieranevada, un drame si près de la réalité qu’il flirte avec le
documentaire. Une trop grande famille célèbre un événement dans un trop petit
appartement, où il y a à peine de la place pour une caméra. Cette dernière doit
toujours se cacher dans les coins, bouger à peine et se faire oublier lors de
longs plans où la tension ne fait que monter. On croirait que trois heures
passées dans un rassemblement familial roumain seraient ennuyeuses et loin de
nous, mais on se retrouve étonnamment pendu aux échanges anodins entre proches,
aux disputes familiales et conversations malaisantes qu’on ne reconnait que
trop lors de ce type de période de stress.
17
– Frantz
Pour
2017, Frantz est la subtilité
incarnée. Niveau scénario, on nous donne très peu, c’est avec la mise-en-scène,
l’utilisation de la couleur dans ce noir & blanc et le jeu du couple
principal que Frantz est généreux. On
se laisse emporter à déchiffrer cette histoire d’amour et de deuil sans que le
film souhaite nous offrir de réponses claires. Le réalisateur François Ozon
nous fait confiance avec le strict minimum, qui permet au film d’être si
gracieux et subtil qu’on ne peut être que charmé.
16
– John Wick Ch. 2
Des
fois c’est aussi acceptable, même recommandé, d’avoir du plaisir pur et simple
au cinéma. En plus d’être aussi plein d’énergies viscérales que son prédécesseur,
le second volet des aventures de John Wick plonge plus profondément dans cet univers
étrange et hyper-stylisé peuplé à 88% d’assassins et de criminels. Il agrandit
sa propre mythologie en allant de l’avant avec des images et thèmes de légendes
et figures plus grandes que nature qui règnent suprêmes sur ce monde aux limites
du conte de fées moderne, amplifié aux armes à feu.
15 – Wonder Woman
Avec Logan, Wonder Woman sont les deux films de superhéros complémentaires que
je choisirais pour représenter 2017. L’un, un futur dystopique, est un regard
sur le passé et la façon dont il nous a amené où nous sommes et l’autre –
ironiquement, celui situé au début du siècle, offre un regard optimiste et
insuffle espoir et solutions pour l’avenir. En se concentrant sur l’idéalisme
et la pureté de Diana Prince, princesse des Amazones, c’est la superproduction
de l’année qui nous permet de croire que, oui, il est possible que les choses
aillent mieux, mais sans pour autant dire que ce sera facile. Aussi inspirant
que le film : les masses de féministes qui ont été inspirées et se sont
approprié cet objet culturel dans un mouvement de pur positivisme.
Yorgos
Lanthimos et Colin Farrell, le duo derrière mon film favori de 2016, reviennent
avec un film encore plus tordu et malfaisant que The Lobster, ce qui n’est pas peu dire. Ce drame satirique devient
progressivement l’un des films d’horreur les plus choquants de l’année, avec
une performance de vilain de la part de Barry Keoghan qui va marquer pour les
années à venir.
Qu’on
aime ou pas, il est difficile de nier l’ambition et la magnitude du film de
Mathieu Denis et Simon Lavoie. Il est rare au Québec de voir un tel objet, qui
combine tant de formes d’arts, au sein d’un film qui ne peut être autre chose
que du cinéma, tirant pleinement avantage de l’expérience de la salle obscure.
Un film oppressant dont on est otage et qui nous confronte avec violence à des
idées qui ne peuvent que susciter réflexions.
12
– Blade Runner 2049
Dennis
Villeneuve est en voie pour devenir maître du monde, et je suis très à l’aise
avec cela. Année après année, il surprend systématiquement avec un film
différent et toujours aussi maitrisé. En 2017, il a accompli la tâche que
beaucoup croyaient impossible : créer une suite à la hauteur d’un
classique du cinéma de science-fiction. Avec un projet aussi ambitieux, il a su
offrir une œuvre riche en thèmes et magnifique au regard qui s’est déjà incrusté
dans la culture comme part essentielle du cinéma de science-fiction
contemporain.
Comme
pour Prisoner of Azkaban pour Warner,
il semble qu’il ait fallu à Disney trois films avant de vraiment débloquer leur
nouvelle acquisition pour en faire quelque chose de grandiose (et non
simplement « bien contenant quelques éléments prometteurs »). Avec
autant d’action exécutée à merveille et d’attention accordée à ses personnages
et thèmes, The Last Jedi est le Star
Wars qui m’a le plus fait ressentir et réfléchir.
Ce
qui me fait immanquablement pleurer, plus que n’importe quoi, sont les
connexions humaines. Plus que la tristesse, la douleur ou le soulagement, voir
deux (ou plus) individus partager quelque chose de vrai et profond vient me
chercher comme rien d’autre. Ainsi, lors des quinze dernières minutes de Guardians of the Galaxy Vol. 2, lorsque Father & Son de Cat Stevens embarque
et qu’un groupe de gens brisés arrive à surmonter leurs traumas, pertes, abus et
blessures émotionnelles pour former une famille de substitution au sein de
laquelle les membres s’aiment sincèrement et sont prêt à tout pour en défendre
l’intégrité, je deviens une épave de larmes et de reniflements à peine
intelligible. Qu’une immense superproduction intergalactique aussi colorée et
ludique arrive à une telle sincérité émotionnelle n’est que la cerise sur le
sundae.
9
– The Square
À la fois hilarant, rempli de malaises et de richesse
thématique, The Square est un des
nombreux films cette année qui s’intéresse à la place de la figure masculine
moderne. Cette satire de société située dans le monde de l’art contemporain nous
parle de contrôle, de responsabilité et du poids de celle-ci sur les épaules
des gens qui s’en soucient le moins, avec un sens de l’humour pointu qui n’en
rate pas une. Malgré une durée de presque trois heures et des thèmes aussi
présents, on voit à peine le temps passer tant le film est ludique et
propulsif. Il vaut la peine, si ce n’est que pour la scène clé du film, une
performance artistique traumatisante, qui ne peut s’empêcher de laisser sa
marque sur tous ceux qui y assistent.
8
– Get Out
Jordan
Peele en a surpris plus d’un avec ce film d’horreur qui utilise savamment les
codes du genre pour devenir une satire sociale sur les rapports raciaux
modernes. C’était probablement l’une des meilleures expériences en salle de l’année,
surtout guidée par un réalisateur qui maitrise son art aussi bien qu’il
maitrise son public. Aussi drôle qu’intelligent, Get Out a de tout pour plaire à tout le monde, arrivant à rejoindre
un large public en intégrant parfaitement des idées qui suscitent des
conversations essentielles à ce point de notre Histoire.
7 – Silence
Même
s’il est sorti en janvier, il y a presque 1 an, le dernier film de Martin
Scorsese fut assez marquant pour que j’y
revienne fréquemment au cours de cette longue année. Cette immense méditation
sur la foi, le pardon, la raison et l’intégrité offre tant que l’on remarque à
peine la longueur et la lenteur de son « intrigue ». Avec une
direction photo qui optimise pleinement l’environnement, nous transportant dans
le temps et l’espace, et des acteurs au sommet de leur art, Silence risque de s’élever dans les
hauts rangs de la filmographie déjà impressionnante du cinéaste.
6
– mother!
Darren
Aronofsky ne fait pas les choses à moitié. Ainsi, lorsqu’il se tourne vers l’angoisse
et la terreur, il peut devenir dangereux pour le bien-être émotif de son
public. mother! est le film d’horreur
le plus déstabilisant de l’année, qui ne prend pas une seconde de repos et
détruit tout sur son passage. Dans une liste qui comporte The Killing of a Sacred Deer, Ceux
qui font les révolutions à moitié n’ont fait que se creuser un tombeau et La petite fille qui aimait trop les
allumettes, déclarer que mother!
est le film le plus éprouvant de l’année en dit long. Par contre, il ne s’arrête
pas là. Aronosfky, y insuffle une symbolique chargée qui peut être interprétée de
maintes façons et engendrera inévitablement la conversation.
5 – Dunkirk
Fidèle
défenseur du 7e art, Christopher Nolan a cette année échafaudé l’ultime expérience
cinématographique de 2017. Dunkirk
est un film magistral que je suis allé voir 3 fois en IMAX et que je n’ai aucun
vrai désir de revoir sur petit écran. S’il rejoue sur grand écran un de ces
jours, je vais me jeter sur cette opportunité, mais sans le système de son et l’écran
qui envahit tout mon champ de vision, Dunkirk
a beaucoup moins d’intérêt pour moi. Ce n’est pas pour enlever quoi que ce soit
au film, mais plutôt pour célébrer justement un de ces rares films qui prend
pleinement avantage de tout ce que le Cinéma peut offrir et amener à l’histoire
qu’il raconte. Il est de ces films qui nous emportent, nous enveloppent et ne
nous laissent jamais aller et Dunkirk
est un de ces grands films, efficace, émouvant et éprouvant.
4
– Paterson
On
passe du plus grand film du palmarès au plus petit et intime. Nous sommes
finalement arrivés à la dernière ligne droite composée de ces films
réconfortants qui m’ont habité toute l’année, tout en douceur et charme. Paterson n’a pas vraiment d’intrigue,
avec un début, un milieu et une fin. On s’intéresse plutôt au quotidien d’un
homme, sa vie de couple, son travail, sa routine et, surtout, sa poésie. Paterson,
interprété par la vedette montante Adam Driver, vit une vie assez
peu-événementielle et est très en paix avec cela. Par contre, à travers des
petits détails, un monde rempli de poésie se révèle à nous. Il est de ces films
par lesquels on ne veut que se laisser bercer.
3- Lady Bird
Un
regard plein d’empathie et de nuance sur une période difficile que nous
traversons toutes. Greta Gerwig démontre qu’elle a plus d’une corde à son arc
en réalisant un des films les plus simples, mais efficace et maitrisés de l’année.
Principal centre d'intérêt de cette oeuvre : la performance de Saoirse Ronan,
dont la Lady Bird est d’autant plus attachante qu’elle est loin d’être
parfaite. Pleine d’anxiété, d’insécurités et de férocité, Ronan crée un
personnage dont on ne cesse de découvrir les richesses à chaque réécoute.
Un
autre film sur le passage à l’âge adulte semi-autobiographique! Mike Mills est
chanceux d’avoir eu une adolescence entourée de personnes aussi fascinantes,
puisqu’ils lui ont permis de créer l’un des groupes de gens les plus marquants
et chaleureux de l’année. Il a aussi judicieusement choisi des acteurs à la
hauteur de ces personnages colorés. Il est difficile d’imaginer distribution
plus impeccable que Billy Crudup, Elle Fanning, Greta Gerwig et Annette Bening.
Tous, avec leurs propres vies, vont et viennent, se rencontrent et ont des
relations particulières qui les rendent essentiels dans la vie d'un protagoniste
qui nous prête son regard pour assister à ce moment unique de sa vie.
Remède parfait à la température au Québec du moment, Call Me by Your Name est le film le plus
tendre et chaleureux de l’année. Une expérience remplie de passion et de désirs
où le public veut autant se transporter auprès de ces personnages qu’ils se
veulent entre eux. Le nord de l’Italie des années 80 de Luca Guadagnino est ce
qui se rapproche le plus d’une représentation cinématographique du paradis sur
Terre. Les décors et accoutrements déjà parfaits, c’est encore mieux qu'ils
entourent certains des personnages les plus attachants et frappants de l’année.
L’Elio de Timothée Chalamet et l’Oliver d’ Armie Hammer sont des êtres si
appréciables et naturels qu’on tombe automatiquement en amour et personne n’est
surpris lorsqu’ils se tombent mutuellement dans l’œil. Leur passion n’est égalée
que par l’enthousiasme et l’humanité retentissante de Michael Stuhlbarg qui livre
LE monologue de l’année sur l’amour, la peine, le bonheur et tout ce qu’il y a
entre. Pour toutes ces raisons, dès la première minute on est transporté par Call Me by Your Name et dès qu’il
termine, on n’a qu’un désir, c’est y
retourner.
Objets qui mériteraient d’être sur cette liste, mais
faute de distribution en salle ou du bon format, ne peuvent y être :
Finding Frances (finale de la saison 4 de Nathan for You), Grave, The
Love Witch, Okja, Twin Peaks : The Return (les 18 heures en entier, qui serait facilement dans le top 5)
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